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    La dernière crise, dix ans déjà ! A quand la prochaine ?

     

     

     

    La question est suffisamment présente pour nous convaincre que la pleine confiance n’est pas rétablie. Et notamment du fait du poids de la dette. Toute la planète croule sous le poids de la dette : partout le ratio de la dette rapportée au PNB dépasse nettement le niveau de 2007 ; tout pays, tous emprunteurs (particuliers, entreprises, Etats).

     

     

     

    Pourtant nous avait-on dit, la crise de 2008 était la dernière : des mesures drastiques devaient être prises pour éviter ce genre d’aventure à l’avenir. En un sens c’est vrai. En particulier l’appareil des règles s’appliquant aux banques et à un moindre degré aux marchés a été réellement durci, et pas de peu : à activité équivalente, les banques ont plus que doublé leurs fonds propres (qui fonctionnent comme un matelas de sécurité). Ce qui veut dire que là où pour prêter 100 (encours pondérés) elles avaient souvent 4 de capital, elles sont maintenant au-delà de 10. Dit autrement, elles sont toutes choses égales par ailleurs un peu moins endettées qu’avant - contrairement aux autres acteurs de l’économie. S’y ajoutent des mesures multiples et complexes renforçant leur capacité et celle des marchés à résister aux chocs. L’ensemble de ces mesures est en train d’être finalisé. De ce point de vue, un travail réel a été fait. Alors pourquoi l’inquiétude ?

     

     

     

    Un premier signal inquiétant nous vient de l’autre grand jeu de mesures mises en place après la crise : les interventions massives des banques centrales. L’idée de départ était bonne : soutenir le plus possible l’activité au moment de la crise. Mais cela fait dix ans que cela dure. C’est qu’un autre facteur est intervenu : la peur panique de la déflation ou baisse des prix. C’est l’idée qu’une fois qu’on est installé en déflation on n’en sort plus, car les gens dépensent beaucoup moins puisque leur argent s’apprécie avec le temps. Au nom de cela les banques centrales déversent depuis dix ans des quantités massives de liquidité pour faire baisser les taux d’intérêt et réanimer l’inflation.  Sans énorme succès, car l’inflation est freinée par la mondialisation.

     

     

     

    Pourquoi est-ce inquiétant ? Parce que l’argent déversé va à quelque part. S’il ne nourrit pas l’inflation sur les marchandises, il va sur les marchés financiers et immobiliers et fait artificiellement monter les prix au-delà du raisonnable, et on investit dans n’importe quoi pour avoir du rendement (qu’on n’a plus sur les produits sûrs puisque les taux sont déprimés). C’est ce qu’on appelle une bulle. Quand une bulle éclate, on a une crise.

     

     

     

    En outre l’essentiel de cet argent finance la croissance de la dette. Tout le monde s’endette, vu que les taux sont si bas. Même la Chine, qui a réagi à la crise comme les Occidentaux : par un endettement intérieur colossal et très dangereux (avec une petite différence quand même : l’Etat chinois lui n’est pas endetté envers l’étranger). Or la dette est l’instrument principal de propagation des grandes crises. Pour une raison simple : si j’investis mon propre argent, que les marchés baissent ou que je fais des pertes, je suis simplement moins riche. Si j’investis de l’argent que j’ai emprunté, je ne peux plus rembourser ; je fais faillite, et je répercute la crise sur mon créancier. Si tout le monde prête à tout le monde de façon excessive, les crises se répandent à toute vitesse et deviennent comme on dit systémiques. En outre si comme on l’a vu on a renforcé les banques, elles restent quand même exposées : environ 90% de leur bilan est fait de fonds empruntés. De plus, on a constaté le développement énorme de ce qu’on appelle banque de l’ombre : des sociétés qui ont une fonction proche de celles des banques mais qui ne sont pas soumises à leur réglementation et à leur supervision.

     

     

     

    Et donc le risque d’une grande crise est bien réel. Où démarrerait-elle ? Par construction on ne le sait pas, car les gens éviteraient les opérations correspondantes. Presque toujours d’ailleurs une grande crise part d’un secteur jugé à tort sûr, comme les produits toxiques de 2007 qui avaient une si bonne notation financière. Que pourraient faire les pouvoir publics ? Essentiellement comme en 2008, faire marcher la planche à billet et inonder le marché de liquidités. Cela marchera-t-il ? Peut-être, mais à un niveau de risque bien plus élevé. Car cela fait dix ans maintenant qu’on déverse ces liquidités. Cela ne peut évidemment pas durer indéfiniment. Avec deux grands dangers : l’un, que l’inflation démarre pour de bon, les liquidités emportant tout sur leur passage ; l’autre, que la confiance dans nos monnaies finisse par s’éroder – car elles ne reposent sur aucune réalité autre que la confiance qu’on leur porte Sans compter les risques internationaux (mesures unilatérales, rétorsions etc.).

     

     

     

    Et donc il faudrait faire un effort pour être plus vertueux. Ne plus s’endetter. Surveiller la banque de l’ombre. Et surtout, compartimenter les marchés : ne pas laisser l’argent circuler librement partout, contrôler un minimum son espace. Etc. Mais pas de démagogie (populiste), qui ne ferait qu’accélérer la dérive : ceux qui selon une vision fausse du passé recommandent la planche à billet nous poussent sur la planche savonnée. On pourrait aussi sortir de l’euro, même si c’est difficile, mais pas pour être plus laxiste encore, tout au contraire.

     

     

     

    Le problème est que nous sommes habitués à toutes ces drogues. En sortir suppose donc un réel effort. Ce qui veut dire que nos équilibres socio-politiques en dépendent. Dit autrement, que la sortie de cette situation se fasse par retour à la vertu politique, ou qu’elle résulte d’une nouvelle crise à la suite de quoi on pourrait repartir sur de nouvelles bases, elle implique des mutations politiques profondes.

     

     

     

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    Lauzun (de) Pierre 

     

    Actuellement (depuis 2002) Délégué général de l’Association Française des Marchés Financiers AMAFI, qui regroupe les professionnels de la Bourse et de la Finance.

    Ancien élève de l’École Polytechnique (1969) et l’École Nationale d’Administration (1975), j’ai travaillé principalement dans la banque et la finance.

    Quelques points de repère : 

    2001 - 2014 : Directeur général délégué de la Fédération Bancaire Française - FBF, l’organisation professionnelle des banques en France.

    1998 - 2000 : Groupe Goldman Sachs : Président d’Archon Group France (suite au rachat de l’UIC ci-après)

    1994 - 1998 : Union Industrielle de Crédit (UIC, Groupe GAN) : Président du directoire.

    1987 - 1994 : BANQUE DE L’UNION EUROPÉENNE – UECIC- Groupe GAN-CIC Directeur général adjoint (BUE devenue Union Européenne de CIC en 1990).

    1981 - 1987 : Direction du Trésor au Ministère de l’Économie et des Finances.

    Conseiller Financier à New York (1986 - 1987) Chef du Bureau des Banques (1984 - 1986) . Secrétaire Général du Club de Paris (1981-1984)

    1975-1981 : Services du Premier Ministre.

      Ardéchois (du Sud), né en 1949, marié, 3 enfants, 10 petits-enfants (compte provisoire).

    Une activité professionnelle peu populaire mais essentielle (la finance). Et une recherche personnelle qui va de l’économie à la philosophie et à la politique. D’où ces livres.

    Quelques repères : la foi chrétienne, catholique. Le goût de la diversité internationale et des langues, notamment Asie (Japon). L’intuition de l’unité au fond de la multiplicité. L’exigence de vérité et de qualité (le beau et le bien). L’insertion dans le temps et dans l’histoire, et hors du temps.

    On trouve ces réflexions dans mes livres :

    Le Ciel et la Forêt Tome I Au-delà du pluralisme ; Tome II Le christianisme et les autres religions, Dominique Martin Morin 2000.

    Chrétienté et Démocratie, Pierre Téqui 2003.

    L’Évangile, le Chrétien et l’Argent, Éditions du Cerf 2004.

    Les Nations et leur Destin, F.-X. de Guibert 2005.

    Temps, Histoire, Éternité, Parole et Silence 2006.

    Christianisme et Croissance économique, Parole et Silence 2008.

    L’économie et le christianisme, F.-X. de Guibert 2010.

    L’avenir de la démocratie (Politique I), F.-X. de Guibert 2011.

    Finance : un regard chrétien, Embrasure 2013.

    Philosophie de la foi Arjalas Editions 2015.

     

    Guide de survie dans un monde instable, hétérogène, non régulé TerraMare 2017.

     

    L’euro : vers la fin de la monnaie unique ? TerraMare 2017.

     

    La Révélation chrétienne, ou l’éternité dans le temps Artège Lethielleux 2018.

    Principales associations et assimilables : 

    Président d’Alba Cultura (rendre l’art présent dans les prisons et autres lieux clos) ; Vice-président puis Trésorier de la Fondation pour l’École (soutien à l’enseignement libre hors contrat) ; Président de la Commission Éthique financière des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens (EDC) ; Président de l’Amicale des Ardéchois de Paris ;

    Membre de l’Académie catholique ; Commandeur de l’Ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem (soutien aux Chrétiens de Terre Sainte).

    Association des économistes catholiques. Association des écrivains catholiques ; Association des écrivains croyants.

    Blog personnel : http://www.pierredelauzun.com 

     

     

     

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  • Vidéo de Pierre de Lauzun, publiée le 4 décembre 2017 sur KTO, dans le cadre de l'émission "Académie Catholique de France".

    Donner est un devoir essentiel du chrétien, car nos biens nous sont confiés en vue du bien commun. Ce principe a même vocation à devenir central dans nos vies, à commencer par le don de son temps et de sa disponibilité personnelle. Mais le domaine le plus immédiat d´application de ce principe est le don personnel en argent. Apparemment simple, il pose des questions à beaucoup de personnes. Notamment dans un pays comme la France, à fiscalité élevée. Combien donner ? A qui ? Ce sont là des questions qu´il faut se poser.

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  • Cette vidéo (6' 35") de Pierre de Lauzun, membre de l'Académie Catholique de France, a été diffusée le 28 mars 2016 sur KTO. Elle est accessible sur KTO-TV.

    Les placements sont un domaine où l'éthique chrétienne doit s'exercer activement. Ceci résulte du principe de la destination universelle des biens, contrepartie de la propriété. Cela conduit à envoyer l'argent là où il est le plus utile tout en envoyant à l'économie les signaux l'orientant le mieux possible.

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    Entreprises, marché et finance dans ’Laudato si’ : une appréciation bien négative.    Article de Pierre de Lauzun publié le 28 juillet 2015 sur son blog.

    L’encyclique Laudato si du pape François est un texte remarquable, porteur de messages essentiels. Notamment le rappel de la responsabilité majeure que nous avons par rapport à la vie qui nous entoure et aux équilibres menacés de notre planète, et donc la nécessaire conversion personnelle et collective. L’urgence de la situation des pauvres. Le besoin d’une vision unifiée de l’homme et de sa place. En bref l’idée de maison commune. Les critiques que certains ont pu lui faire sur ces plans, notamment aux États-Unis, ainsi que l’idée qu’il y aurait là une rupture doctrinale au sein de l’Église se trompent donc de cible et devraient plutôt entendre l’appel à ce qui est un véritable examen de conscience.Il reste cependant dans ces réactions un aspect indiscutable, qui est l’appréciation négative que fait l’encyclique de tout ce qui est entreprise, finance et marché. Le pape François ne semble pas beaucoup apprécier ces réalités, qu’il n’évoque que négativement. Nous nous sommes livrés à un relevé exhaustif des passages de Laudato si qui évoquent les entreprises, la finance, le marché ou toute forme de calcul financier : comme on le verra, les appréciations qu’elle porte sur leur rôle sont toutes négatives et souvent abruptes. Les maux qui sont dénoncés à leur sujet sont bien sûr réels ; mais le texte n’ouvre pas de perspective d’utilisation positive possible de ces réalités pourtant essentielles. Voyons cela de plus près.

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